Il fut une époque où le fabricant canadien de téléphones mobiles, BlackBerry, était sans conteste roi et maître sur ce marché. Au début des années 2000, la marque a connu une forte popularité surtout chez les professionnels. La présence de l’iPhone et des appareils Android a sonné le glas de BlackBerry qui fait une nouvelle tentative en 2017 avec le KEYone. Le pari sera-t-il gagné ?
Lorsque je parle d’un nouveau téléphone sur mon blogue, il s’agit souvent d’un compte rendu sur un produit que j’ai pu essayer. Je n’ai pas encore testé le KEYone, un nouveau téléphone sous la marque BlackBerry qui est sorti sur le marché canadien le 31 mai 2017 et sur le marché européen le 1er juin. Si j’en parle, c’est parce que le fabricant BlackBerry (autrefois connu sous le nom RIM) semble susciter un grand intérêt auprès du public.
Entre déchéance et survie : la petite genèse de BlackBerry
D’abord, je tiens à relater quelques moments importants dans l’histoire du téléphone BlackBerry. Ce dernier voit le jour pour la première fois en 1999. Il est alors conçu par l’entreprise RIM qui changera de nom en 2013 (on verra la raison un peu plus loin).
Au début des années 2000, les téléphones BlackBerry sont une valeur sûre. Ils sont de bons produits généralement robustes et fiables, en plus d’être reconnus pour leur système des plus sécuritaires qui en fait un choix inévitable pour de nombreuses grandes entreprises et organisations gouvernementales.
Je me souviens, entre autres, des fonctions de communication du BlackBerry qui étaient très rapides et efficaces pour l’époque (notamment les courriels et les notifications « push » en temps réel).
Malheureusement pour RIM, l’arrivée d’Apple sur le marché de la téléphonie mobile en 2007 annonce le début d’une période difficile pour le BlackBerry. RIM tente de suivre la concurrence en adaptant son système d’exploitation qui est toujours aussi intéressant à l’usage, mais qui manque cruellement d’applications (tiens, ça me rappelle Windows Phone !).
L’entreprise canadienne pousse même l’audace d’offrir en 2008 un appareil entièrement tactile (lire : « Le BlackBerry Storm, une tempête dans la téléphonie mobile »), délaissant ainsi son clavier physique qui a toujours été en quelque sorte sa marque de commerce. Si cet appareil est bien reçu du public, il ne sera pas adopté massivement par la clientèle cible du BlackBerry, soit les professionnels. On assiste alors au premier véritable « échec » de BlackBerry qui se verra dépassé par l’iPhone et les appareils Android en 2011. Sa part de marché est alors de 6 %.
Le fabricant récidive en 2013 avec un autre appareil entièrement tactile, le Z10, qui peut être qualifié encore aujourd’hui comme étant un échec majeur. Ce téléphone est lancé avec la version 10 du système d’exploitation de RIM qui change alors de nom (article de Radio-Canada). Durant la même année, BlackBerry subit des pertes financières de près de 1 milliard de dollars, après avoir déjà connu une chute de revenus de 45 % en un an.
À l’automne 2013, rien ne va plus. L’entreprise BlackBerry est à vendre. Plusieurs fabricants se montrent intéressés, dont Samsung, Lenovo et même Facebook. C’est le groupe Fairfax, actionnaire majoritaire de BlackBerry (10 % des parts) qui fait la plus belle offre, soit 4,7 milliards de dollars. Une journée avant le dépôt de l’offre, BlackBerry décide étonnamment de ne pas entériner celle-ci. L’entreprise décide plutôt de collecter 1 milliard de dollars auprès de certains investisseurs pour se redresser et de remplacer son PDG par un dénommé John Chen.
Sous la direction du nouveau PDG, BlackBerry va connaître plusieurs changements importants. On va alors abandonner le marché grand public pour revenir au marché professionnel. L’entreprise dévoile en 2014 quelques nouveaux téléphones, dont le « BlackBerry Passport » au design carré plutôt étonnant et un appareil « Classic » à l’image de ceux qui ont fait sa renommée jadis. Encore une fois, le succès commercial n’est pas au rendez-vous.
BlackBerry confirme durant cette même année son intention de se concentrer davantage à l’avenir sur sa plateforme sécurisée « BES » (ou BlackBerry Enterprise Server), les logiciels et les services sécurisés aux entreprises et aux gouvernements qui ont assuré sa survie jusqu’à ce moment.
BlackBerry abandonne la fabrication de téléphones et se tourne vers Android
Sachant si bien que son système d’exploitation n’est pas de taille à rivaliser avec la concurrence, BlackBerry propose pour la première fois en 2015 un téléphone sous Android, personnalisé avec le « Hub » sécurisé de l’entreprise et ses applications. Le « BlackBerry Priv » est bien reçu par les professionnels et les médias qui lui accordent des critiques positives, mais les ventes demeurent tout de même modestes.
À l’automne 2016, BlackBerry revoit encore une fois sa stratégie. L’entreprise canadienne annonce qu’elle abandonne la fabrication de ses propres téléphones pour les confier à des tiers.
Après un accord de coentreprise signé avec l’entreprise indonésienne PT Tiphone Mobile Indonesia en septembre 2016, BlackBerry accorde ses droits de licence au fabricant chinois TCL (Alcatel) qui peut alors fabriquer, distribuer et faire la promotion presque partout dans le monde des appareils BlackBerry qui utilisent les logiciels et applications BlackBerry.
Le grand retour de BlackBerry avec un téléphone Android fabriqué par TCL
Le BlackBerry KEYone a été présenté au Salon CES de Las Vegas au mois de janvier dernier et au Mobile World Congress à la fin de février. Il est sorti officiellement au Canada le 31 mai et en France le 1er juin.
Quelques jours après son lancement, le nouveau téléphone BlackBerry est en rupture de stock aux États-Unis et les ventes semblent être également très bonnes au Canada. Le président de TCL Communication pour l’Amérique du Nord a notamment affirmé que l’opérateur canadien Rogers a battu un record de précommandes avant le lancement officiel. Il s’agit du BlackBerry le plus vendu chez l’opérateur depuis qu’il vend des appareils de la marque (1999).
Un téléphone haut de gamme qui a ce qu’il faut pour rivaliser
Ce nouveau BlackBerry a des caractéristiques très intéressantes. D’abord, je vais aborder brièvement le sujet du clavier physique qui a fait la renommée de BlackBerry jadis et qui est devenu sa marque de commerce.
Je dois avouer que je n’ai pas vraiment aimé utiliser ce clavier physique sur les anciens modèles (Bold 9900 entre autres). Je suis sûrement trop habitué au clavier virtuel des autres téléphones intelligents. Mais celui du KEYone semble offrir un bon compromis pour les utilisateurs comme moi puisqu’il est « intelligent » et sensitif.
Muni de plusieurs capteurs, le clavier peut être utilisé comme un « touchpad ». En glissant le doigt sur celui-ci, on peut par exemple faire défiler la page affichée sur l’écran ou sélectionner une suggestion de mots qui s’affichent au-dessus du clavier. Il est même possible d’attribuer une double fonction aux touches (lettres) permettant, par exemple, de lancer une application sur un appui long et d’envoyer un SMS sur un appui court. En tout, 52 touches sont personnalisables. Outre cela, la touche d’espacement intègre un lecteur d’empreintes que l’on retrouve habituellement sur le bouton d’accueil (ou au dos) des téléphones concurrents.
Puisque le clavier prend un espace permanent sous l’écran, ce dernier est de taille plus petite que celui de ses concurrents. On parle ici d’un écran de 4,5 pouces de diagonale avec une définition de 1080 x 1620 pixels. Son format est plutôt inhabituel, soit 3:2 plutôt que le 16:9 que l’on retrouve chez la concurrence. J’imagine que les vidéos de YouTube, par exemple, auront inévitablement toujours des bandes noires.
En ce qui concerne les composantes internes, il se rapproche d’un téléphone plutôt haut de gamme. Il est équipé notamment d’un processeur Qualcomm Snapdragon 625 à 8 coeurs cadencés à 2 GHz, de 3 Go de mémoire vive (RAM) et 32 Go de stockage extensibles avec une carte mémoire microSD (jusqu’à 2 To). Côté photographie, le capteur arrière est de 12 Mpx et peut filmer en 4K, tandis que le capteur frontal pour les égoportraits est de 8 Mpx.
Pour la connectique, on trouve notamment le Wi-Fi 802.11ac, le Bluetooth 4.2 et un port USB Type-C de plus en plus répandu. Enfin, avec une batterie de 3 505 mAh pouvant être chargée rapidement, on dit que le BlackBerry KEYone peut durer au moins deux jours avec une utilisation « normale » sans devoir être rechargé. J’aimerais bien tester cela en pratique.
Chose intéressante : le nouvel appareil de BlackBerry vient avec une version très récente d’Android, soit la 7.1. Ce sera là un argument de vente important pour de nombreux potentiels clients. Il reste à voir si BlackBerry (ou TCL) déploiera plus rapidement que la concurrence les mises à jour Android sur son appareil.
Le BlackBerry KEYone est vendu au Canada au prix de 700 $ sans contrat, alors que Rogers et Bell le proposent aussi à 0 $ avec contrat de deux ans (certaines conditions s’appliquent quant au forfait requis). Pour sa part, Telus propose le téléphone seulement à la classe « Affaires ». En France, le prix est de 600 euros et l’appareil est disponible dans plusieurs boutiques et chez plusieurs opérateurs (notamment SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile).